Peter Kasimow est l'un des 75 sommeliers du pain au monde et le premier en Suisse. C'est dans la boulangerie qu'il a trouvé sa vocation. Et il veut transmettre ce plaisir et cette passion aux jeunes professionnels.
Qu'est-ce qui vous a incité à vouloir obtenir le titre de sommelier du pain?
J'adore le métier de boulanger. C'est pour moi une véritable vocation. Si je devais renaître, j'épouserais à nouveau ma femme et deviendrais de nouveau boulanger. C'est le plus beau métier qu'on puisse imaginer. Du plus profond de mon âme, j'ai investi beaucoup de temps dans la formation. Et j'en ai été plus que récompensé. À mon âge, ce n'était pas évident d'assimiler autant de connaissances. Mais j'absorbe comme une éponge tout ce qui se passe dans le monde du pain.
L'apprentissage n'a donc pas été une contrainte?
La formation ne fut certes pas facile, mais très intéressante et je la recommande à tous les professionnels désireux d'en apprendre plus sur notre métier. Elle ne porte pas prioritairement sur la pratique, mais sur l'histoire du pain, le «breadpairing», la religion, les coutumes, les céréales anciennes, etc. C'est une formidable source d'histoires passionnantes sur le pain. Nous voulons être des ambassadeurs du pain, mieux faire connaître le métier et le rendre plus intéressant. Si nous ne nous investissons pas en faveur de notre métier, il sera voué à disparaître.
Peter Kasimow
Le premier sommelier du pain de Suisse est boulanger-pâtissier et maître boulanger. À 23 ans, il part en mer et produit du pain pendant un an dans la boulangerie du navire. Après dix ans en tant que cadre chez Hiestand, il se met à son compte et conseille les boulangeries en Suisse et à l'étranger pendant six ans. Depuis dix ans, il est de retour chez Fredy's, d'abord comme responsable d'exploitation, puis comme chef de vente. Dans cette fonction, il assure le suivi des grands comptes et développe de nouveaux produits. Pendant ses loisirs, il aime prendre l'air sur son VTT, cuire encore et toujours des pains ou profiter de sa bibliothèque dédiée aux plaisirs gustatifs.
Quelles sont les trois principales raisons qui justifient cette formation?
Je l'ai d'abord fait pour moi-même, parce que tout ce qui tourne autour du pain m'intéresse. La deuxième raison, c'est de pouvoir transmettre des connaissances et surtout de montrer aux professionnels combien leur métier est formidable et beau. Le troisième argument, c'est le marketing qui permet de promouvoir le métier: nous valorisons notre travail et nous en parlons. C'est essentiel et cela offre un grand potentiel de développement.
Odeur, goût, couleur: les sens sont fortement sollicités. Comment avez-vous vécu cette partie de la formation?
C'est extrêmement passionnant et difficile. Cela commence par des choses simples, comme les cinq saveurs de base. Nous devions aussi identifier certains goûts particuliers. Il faut de l'entraînement pour y arriver. Mais l'un des grands thèmes a été le toucher: évaluer un pain en le touchant et en le mastiquant. Il est important de souligner que la formation permet de développer tous les sens, et cette partie constitue une base essentielle pour le sommelier du pain. La majorité des heures a été consacrée à la perception sensorielle, même à la maison.
La branche est-elle en retard dans ce domaine?
J'en suis convaincu. Je ne connais pas exactement le contenu de la formation professionnelle actuelle. Mais les cuisiniers ont une bonne longueur d'avance dans ce domaine. Il est tout aussi fascinant d'écouter un sommelier du vin. On sent tout l'entraînement, la passion et l'amour qui se cachent derrière. Nous devons aussi motiver nos boulangers dans ce sens. Parce que cela fait partie du métier. Il ne suffit plus de savoir cuire un pain ou un gâteau. Les boulangers doivent aussi être des conseillers. Le fait de savoir décrire au client ce qui l'attend lorsqu'il consommera le produit est un signe de compétence.
C'est donc un thème important?
Oui, absolument. Il y a quelques années, il y a eu une avancée pour renforcer ce savoir grâce à des séminaires. Mais la portée n'en a été que minime. Je suis convaincu que si nous parvenons à jouer un rôle de pionnier dans ce domaine en poursuivant la communication, nous pourrons faire bouger les choses. Car ce sont là de formidables opportunités de progresser dans le métier de boulanger.
La culture régionale et durable de céréales est prédominante dans votre rapport de projet de 60 pages. Cela vous tient-il à coeur?
Oui, je suis un fan des anciennes variétés de céréales. D'où le titre de mon travail «Saveurs d'antan revisitées». Je voulais montrer qu'en dehors du blé, il existe aussi d'anciennes variétés de céréales tombées dans l'oubli: le petit épeautre, le blé amidonnier, le seigle sauvage, l'épeautre, etc. L'essentiel était toutefois de démontrer que la durabilité (culture biologique et sans pesticides) est un énorme sujet. Nous pouvons et devons tous faire quelque chose pour l'environnement et donc utiliser davantage d'ingrédients régionaux et produits dans une perspective durable. Et lorsque les pains sortent du four, tout n'est alors que plaisir!