Au restaurant Quai4 à Lucerne, une entreprise Wärchbrogg, la préparation des plats demande plus de travail qu'ailleurs, et c'est tant mieux. Le but est d'offrir une occupation aux collaborateurs souffrant d'un handicap psychique. C'est ce qui motive la valorisation complète des produits dans le premier restaurant «Bourgeon» de Lucerne.
Beaucoup de bois et une atmosphère chaleureuse. C'est ce qui attend les hôtes du restaurant Quai4, installé dans un garage transformé à Lucerne. Le seul souvenir du passé est le grand auvent qui surplombe le parking. Le restaurant est fermé à cause du coronavirus. Assis aux tables dans le respect de la distanciation sociale, quelques collaborateurs déplient des brochures et y collent des étiquettes. Norbert Bucheli, le directeur, explique: «Dans les entreprises Wärchbrogg, la boutique et le restaurant Quai4, nous employons majoritairement des personnes en situation de handicap psychique et des professionnels qui assument la responsabilité dans les différents domaines. Chez nous, il y a volontairement beaucoup de travail manuel pour occuper les collaborateurs. Cela nous encourage à suivre notre propre voie, par exemple devenir le premier restaurant certifié ‹Bourgeon› à Lucerne.»
Sur la voie du «Bourgeon»
Depuis son ouverture en 2014, le restaurant Quai4 mise sur la durabilité, la régionalité et la saisonnalité. «La chaîne d'approvisionnement manquait de cohérence et de nombreuses exceptions devenaient la règle. Les saisons et la région avaient été étendues à cause de l'absence de directives. Avec le projet de restaurant ‹Bourgeon›, il a fallu repenser le système de livraison et trouver de nouveaux fournisseurs», déclare le chef Antoine Käslin. Son regard se dirige vers l'entrée. Un homme sympathique, coiffé d'un bonnet noir et vêtu d'une veste doublée, nous fait un signe. «C'est notre fournisseur de ‹Gmües Mattli›, Peter Gisler. Tout ce qui pousse ou est en stock chez ‹Gmües Mattli› est sur notre carte», poursuit Antoine Käslin avant de se lever pour réceptionner la commande de légumes. En cette saison froide, on y trouve des potirons, des endives, du rampon, des poireaux et du chou kale. «Gmües Mattli» est passé au Bio il y a cinq ans. Jardinier de formation, Peter Gisler a décroché un bachelor en Life Sciences et Facility Management à la Haute école zurichoise de sciences appliquées. Je lui demande si, sur le plan gustatif, il y a une différence entre les légumes biologiques et ceux issus de l'agriculture conventionnelle. Il me répond: «Non, mais avec l'agriculture Bio, nous respectons davantage la nature et oeuvrons pour les générations actuelles et futures. Et nous avons l'avantage de la fraîcheur: dans des conditions météo normales, nous récoltons les légumes tôt le matin et livrons le jour même.» Céline Wieser, la cuisinière du «Quai4», vient chercher les potirons, les poireaux et les choux kale pour préparer un velouté de potiron pour le service du midi à emporter.
La Wärchbrogg
Tâches de montage et d'emballage simples, mailings, production de papier et envois postaux: Wärchbrogg prend volontiers en charge ce type de travaux. Elle emballe les articles publicitaires, les cadeaux d'entreprise, les collections d'échantillons, etc. selon les exigences du client. Elle emploie des personnes en situation de handicap psychique ravies de se mettre au service de ses clients. Wärchbrogg est une entreprise fiable: elle garantit la qualité des processus, la rigueur du travail et le respect des délais.
Même les concombres en forme de fer à cheval sont bienvenus chez nous.
Céline Wieser, cuisinière
Le plaisir du travail
«En apparence, les légumes que nous achetons chez ‹Gmües Mattli› n'ont pas la même qualité que ceux d'autres fournisseurs. Il nous arrive de recevoir des concombres en forme de fer à cheval, des poivrons en forme de coeur ou des carottes en forme de serpent. Normalement, ces légumes n'auraient aucune chance d'être transformés», explique Céline Wieser avec fierté. «C'est ennuyeux de travailler avec des légumes standardisés. En outre, nous pouvons confier ce travail laborieux à nos collaborateurs.» Céline Wieser a fait son apprentissage de cuisinière au «Quai4». Elle est très heureuse d'avoir participé à la certification. Travailler des légumes dont la forme et la taille ne sont pas standardisées est pour elle un grand plaisir et un défi.
Un boeuf entier sans morceaux nobles
Après l'obtention du label «Bourgeon», le chef a dû remplacer quelques fournisseurs dont les produits ne répondaient plus aux exigences. Cela a entraîné une légère augmentation du coût des marchandises, que le chef évalue à 1 ou 2 %. «Nous avons déjà pris quelques mesures pour y remédier. Notre plus gros fournisseur de viande est la boucherie Bio Ueli-Hof d'Ebikon. Leur vision de l'élevage et de la transformation de la viande correspond complètement à nos valeurs. En automne, nous avons acheté un porc laineux, que nous avons découpé et transformé dans notre cuisine. C'est plus économique que d'acheter des morceaux à l'unité. Au printemps, nous allons acheter un boeuf sans les morceaux nobles, filets, entrecôtes et rumsteaks. La boucherie Bio peut vendre ces morceaux aux particuliers, et nous profitons d'un prix plus intéressant. Nous n'utilisons pas beaucoup de morceaux nobles», précise le chef.
La viande est-elle incontournable?
Antoine Käslin a suivi une formation classique de cuisinier. La viande était l'élément central de tous les menus, tout le reste n'était que garniture. Depuis quelques années, les légumes et les pommes de terre reviennent sur le devant de la scène. «Cette nouvelle approche a donné naissance à des plats emballants comme les feuilletés aux légumes, les patates douces au four accompagnées de dips ou les raviolis potiron-féta maison. Nos collaborateurs participent largement à la préparation des pâtes maison. Les raviolis et les tortellinis demandent beaucoup de travail, mais nous l'avons déjà dit: le travail, c'est un plaisir. Et nos collaborateurs sont ainsi bien occupés et ont des journées structurées.»
Et déjà certifié
La procédure pour obtenir la certification «Bourgeon» a demandé beaucoup de travail. Il a fallu étudier de nombreux dossiers et remplir une multitude de documents. «Le cahier des charges de Bio Suisse proscrit les légumes livrés par avion ou l'utilisation de micro-ondes. La régionalité et la valorisation des produits doivent être documentées et respectées. Nous les avons intégrées dans notre processus de travail. Il en a résulté un nouveau pool de fournisseurs», poursuit Antoine Käslin. Ce n'est qu'un petit aperçu des critères du label «Bourgeon». «Nous nous sommes informés en détail et avons mis en oeuvre notre concept en l'espace de six mois. En septembre 2020, nous avons contacté les responsables de Bio Suisse et sollicité un premier entretien. Après la dernière réunion, les responsables nous ont félicités pour être le premier restaurant ‹Bourgeon› à Lucerne. Nous avons été surpris, parce que nous pensions qu'il fallait plusieurs audits avant d'être certifiés», relate le chef fièrement.
Félicitations spontanées
Anna Spielhoff, cheffe de service du restaurant Quai4, se mêle à notre conversation: «Après l'article paru dans la Luzerner Zeitung, beaucoup de clients nous ont félicités et étaient heureux que nous ayons atteint cet objectif.» Norbert Bucheli conclut: «Avec cette certification, nous soutenons aussi ‹Wasser für Wasser› (ONG oeuvrant en faveur de la consommation de l'eau du robinet et soutenant des projets en Zambie et au Mozambique), ‹Too Good to go› (vente à prix réduit d'aliments non consommés) ou encore ‹Café Surprise› (cafés gratuits pour des personnes vivant dans la pauvreté). À travers le label ‹Bourgeon›, nous mettons en lumière non seulement le restaurant, mais aussi Wärchbrogg, où nous offrons une structure journalière à des personnes handicapées avec le traitement de commandes de particuliers ou d'entreprises.»
Photos: Holger Jacob