Marco Mehr a enchaîné les réussites très tôt. Aujourd’hui, il met son expérience de cuisinier au service de la relève. Nous avons parlé des jeunes d’aujourd’hui et de leurs aspirations en matière d’apprentissage du métier de cuisinier.

En bref
  • Le monde et la société auraient changé par rapport à son époque, selon Marco Mehr.
  • Les futurs cuisiniers et cuisinières sont aujourd’hui confrontés à davantage d’informations, de nouvelles techniques et à une supervision moins autoritaire.
  • Les apprentis et apprenties d’aujourd’hui seraient plus axés sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et se remettraient davantage en question.
  • Il faut encourager les apprentis et apprenties d’aujourd’hui et leur transmettre la passion.

 

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Portrait

Marco Mehr

Marco Mehr a cuisiné pendant dix ans dans des restaurants renommés à Séoul, Hong Kong et Shanghai. Aujourd’hui, il participe au développement de matériel pédagogique et enseigne aux futurs cuisiniers et cuisinières.

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Marco Mehr, vous sentez-vous jeune?

Oui! Il est vrai que j’ai bientôt 40 ans, et alors que je parlais l’autre jour à mes élèves de l’école professionnelle des différentes manières de passer des commandes, j’ai dû leur expliquer ce qu’était un fax (rires). La majorité de la classe ne savait pas ce que c’était. Une feuille qui entre dans une machine et ressort à un autre endroit leur semblait très futuriste! Et là, j’ai pensé: «Ah oui, je prends de l’âge.» Mais je ne me sens pas vieux du tout. Autrefois, je pensais: «Je dois rester dans le coup, j’ai déjà 26 ans!» Je suis alors parti en Asie pendant dix ans, et quand je suis revenu à 36 ans, je me suis dit: «Je n’ai rien loupé, je peux encore faire ce que je veux.» Donc: oui, je me sens jeune.

 

Vous enseignez à l’école professionnelle aux futurs cuisiniers et cuisinières. En quoi l’entrée dans le monde de la restauration est-elle différente aujourd’hui de l’époque où vous avez commencé?

Je dois préciser que j’ai grandi dans un restaurant. Lorsque j’ai commencé mon apprentissage, ce n’était pas très nouveau pour moi: je savais ce qui m’attendait, car j’avais déjà aidé de temps en temps dans le restaurant. Mais aujourd’hui, la société a changé. Des sources d’inspiration, comme Internet ou Instagram, n’existaient autrefois que de manière limitée. Aujourd’hui, les apprentis sont submergés par une avalanche d’informations. Il existe aussi de nouvelles techniques en cuisine, et les chefs sont moins autoritaires. Mon formateur était de la vieille école. Il était très autoritaire, ce que j’aimais bien. Mais entretemps, l’approche a changé, et les apprentis d’aujourd’hui remettent davantage de choses en question. Et c’est très bien.

 

Quels sont les besoins des apprentis d’aujourd’hui?

Les jeunes veulent surtout un équilibre entre vie professionnelle et vie privée – l’argent n’est plus leur priorité. Ils remettent aussi beaucoup plus de choses en question. Avant, on exécutait des ordres; comme à l’armée – on faisait sans poser de questions. Aujourd’hui, on s’interroge davantage: «Pourquoi est-ce que je fais ça»? J’en fais souvent l’expérience à l’école professionnelle. Les personnes plus âgées disent souvent: «Ah les jeunes ...» Mais j’ai vraiment des apprentis très doués dans ma classe. Oui, ils sont différents – il faut juste les guider et interagir différemment avec eux.

Quel type d’environnement les apprentis d’aujourd’hui souhaitent-ils?

Tout d’abord, ils souhaitent des chefs moins autoritaires, plus à l’écoute et qui les accompagnent. Le mot «coaching» est souvent utilisé dans ce contexte. Et je pense que si les apprentis sentent qu’on est passionné, qu’on aime ce qu’on fait et qu’on leur transmet cette passion, alors on a le droit d’être exigeant. On peut suivre sa ligne. Ils aiment même qu’on le fasse – tant que la ligne est juste.

Les apprentis d’aujourd’hui remettent davantage les choses en question. Et c’est très bien.

Marco Mehr

Cuisinier et enseignant en école professionnelle

Les jeunes adorent les images, les vidéos et la gamification, nous avons intégré cela dans notre univers d'apprentissage numérique.

Marco Mehr

Cuisinier et enseignant en école professionnelle

Vous concevez également des outils pédagogiques pour les futurs cuisiniers et cuisinières. Qu’est-ce qui est important de nos jours?

Que l’on tienne compte des besoins des apprentis. Avec TikTok, Instagram et autres, on voit bien ce qui plaît aux jeunes: images, vidéos, gamification. Aux éditions WIGL, nous avons intégré cette composante dans notre nouvel univers d’apprentissage numérique. Les apprentis explorent souvent les contenus de manière ludique et variée, avec un quiz, des questions, etc. En outre, notre nouveau matériel pédagogique est relié numériquement aux trois lieux d’apprentissage disponibles: les apprentis disposent d’un login pour la plateforme, qui leur permet de se connecter au domaine de leur entreprise formatrice, à celui des cours interentreprises et à celui de l’école professionnelle.

 

Quel accueil les jeunes ont-ils réservé à ces nouveaux moyens pédagogiques?

Le matériel est très bien accueilli. Nous l’avons déjà testé dans quelques classes en 2023. Très vite, ces classes n’ont plus voulu revenir à l’ancien matériel. Les jeunes apprennent plus facilement lorsque, par exemple, les recettes sont illustrées par des images et des vidéos.

Que doit faire un jeune pour intégrer l’équipe nationale junior de cuisine, comme vous à l’époque?

Le plus important, c’est d’aimer ce que l’on fait et d’y mettre tout son cœur. Ensuite, il faut quelqu’un qui vous accompagne – comme un mentor qui vous montre ce qui est demandé et ce que cuisiner lors d’un concours signifie. Et il faut aussi de la persévérance. Il ne suffit pas de dresser une fois une belle assiette pour réussir. Il faut de l’entraînement et de l’assiduité. C’est une constante: l’assiduité est indispensable à la réussite. Mais si l’on aime ce que l’on fait, c’est secondaire.

Que conseillez-vous aux jeunes qui débutent leur carrière en cuisine ou en boulangerie?

Acquérir le plus d’expérience possible dès le début. Pour moi, il était important de découvrir différents concepts et entreprises au début de ma carrière et d’apprendre aux côtés de cuisiniers expérimentés. J’ai ainsi pu découvrir dans quelle direction mon parcours professionnel devait me mener. Je voulais acquérir de l’expérience aussi bien dans des restaurants étoilés Michelin que dans des établissements saisonniers. Je recommande également aux jeunes de travailler un certain temps à l’étranger après avoir acquis de solides connaissances de base en Suisse. C’est ce que j’ai fait, et cette période m’a permis de progresser considérablement sur le plan professionnel et personnel.

Pour moi, il est très important de traiter les apprentis avec respect.

Marco Mehr

Cuisinier et enseignant en école professionnelle

Pour finir: quel conseil donneriez-vous aux employeurs pour recruter la relève?

Adopter une attitude encourageante et exigeante à la fois. Accompagner les jeunes, les soutenir, leur transmettre la passion nécessaire. Ils seront alors très désireux de faire du bon travail. Pour moi, il est également important de traiter les apprentis avec respect. Et alors, je pense que ça marche. L’équité, le respect, l’encouragement et l’exigence – les apprentis n’en attendent pas beaucoup plus.

Photo: Marco Mehr

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Raphael Dorigo

Auteur

En tant qu’amoureux des langues, c’est avec passion que je crée des textes, qui sont plus que des salades de mots.

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Branche

Gastronomie et l’hôtellerie

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